Journée qui avait commencé plutôt banalement, une petite trentaine de minutes dans un bus qui semblait être bondé de monde, n'arrivant même pas à s'asseoir, profitant des éternuements de certains et les odeurs que d'autres dégageaient se demandant ce qu'il avait fait au bon dieu pour mériter un tel sort, le détestait-il autant que ça ? Certes il avait fait des erreurs dans le passé, mais fallait-il lui faire payer en vie monotone et moments assez honteux ? Se demandant parfois s'il ne ferait mieux de pas quitter Dunbrill, laisser tomber ses études, commencer un tour du monde et emmerder tous ces connards qui ne cessent de lui pourrir la vie, mais il fallait être un peu réaliste, ça n'arrivera jamais. Il avait bien trop peur de prendre cette décision, de se retrouver seul face au monde, même s'il l'était un peu en ce moment, il pouvait toujours compter sur drogues et alcools ses deux plus fidèles amis pour lui remonter le moral, puis y avait les gens autour de lui des sortes d'amis, amis dont il ne connaissait rien, certes, mais amis. Son pouvoir aussi faisait qu'il était plutôt risqué de quitter la ville, de plus il pouvait en parler à certain ici, l'utiliser, s'entraîner. Que ferait-il s'il ne pouvait plus ? Tout ça pour dire qu'il a beau vouloir, il n'y arrivera pas, reprenant ainsi cette roue qui ne cesse de le perturber, quand arrivera-t-il à mettre un peu de piment dans cette vie qui ne cesse de pourrir de jour en jour ?

Le nom de son arrêt le transporta de nouveau dans cette réalité terne, marchant vers ce qui était son université, il débutait avec des cours passablement ennuyeux, rien que par le fait qu'ils n'étaient que du français et de l'espagnol, faut dire qu'il savait déjà ce qu'il fallait savoir de ces deux langues, il les avait étudiés quand il était encore à l'Orphelinat, il faut dire qu'ils ramenaient de tout dans cette orphelinat, il fallait bien faire connaissance à un moment donné et quand on a des potes qui parlent pas la langue, il faut s'y adapter. Tout ça pour dire qu'il allait se faire chier. La dernière arriva assez lentement, le boulot l'attendait maintenant, retour au café qui lui faisait gagner sa vie. En soi il n'avait pas à se plaindre, une bonne ambiance avec les collègues, puis faut dire que pour un addict du café y bosser c'est comme offrir une sucrerie à un gosse. Euphorique. De nouveau dans le bus les écouteurs dans les oreilles, une musique énergique. Il en avait bien besoin.

Poussant la porte du Café Lowry, saluant ses collègues, passant derrière le comptoir, prenant bien le temps de se faire un café, bien serré, c'est comme ça qu'il les aimait. La dernière goutte dans la tasse, une petite blague avec la serveuse actuelle, un rire nié. Dans les vestiaires il a pris le temps pour se changer, un tablier, un polo blanc avec le logo de l'entreprise. Une main dans les cheveux pour que tout soit nickel, il était prêt à faire ce qu'il faisait depuis plus d'un an maintenant. Servir les autres.

La première table, une vieille dame qui demande un thé noir, son mari un thé vert, ils étaient pas compliqués, c'était mieux comme ça, se souvenant de clients acerbes et sans aucune indulgence, préférant casser du sucre sur le dos des serveurs et serveuses que d'avouer qu'ils avaient tort. Passant de tables en tables, apportant les commandes une par une, des allez-retour incessant qui faisait de ce job, un job assez physique en soi. Une table se vide, mais est aussi vite rempli, un homme d'une trentaine d'années, plus ou moins, il commande un café noir. Maël a directement reconnu son prof d'histoires, il n'avait pas beaucoup d'heures avec lui, mais il était assez inoubliable comme prof. Faut dire qu'il n'était pas comme tous ces vieux cons qui te filent un cours avant de se barrer sans un mot, c'était plus sympathique de le suivre, que suivre un autre cours. Il ne put s'empêcher de demander à son retour avec la commande du client. ''Monsieur McAvery c'est vous ?'' Bien sûr que c'était lui. Il fallait être débile pour pas le voir.