les jours devenaient de plus en plus sombres à mes yeux. l'être humain me dégouttais de plus en plus. je regrettais presque d'avoir fait cette greffe de cornée. le monde était-il aussi moche que cela ? je ne voyais que violence, tristesse et souffrance... j'étais une fée qui autrefois débordait d'optimisme, qui voyait de la joie même là où il n'y en avait pas. au final, je me sentais... inutile... rejetée... j'étais ce compte de fée qu'on adulait enfant mais qu'on déchirait adulte... je ne pouvais plus me cacher... mes ailes en souffraient, j'en souffrais... la lueur qui entourait mon corps baissait. comme un feu dont les flammes s'étouffaient avant de mourir. je ne regrettais pas ma différence, ma mutation. mais je commençais à me demander si comme ces flammes, je n'allais pas finir par mourir de souffrance. j'avais profité d'une journée déguisée pour laisser mes ailes libres. elles pendaient dans mon dos, sans vies, sans couleurs. transparentes. je marchais, les mains devant moi, jointes. je portais une robe vert pomme. comme si j'avais essayé de me donner un peu de couleurs. je marchais sans buts, sans endroit où me rendre. le regard baissé sur le sol, les cheveux tombant en cascade sur mes épaules. l'aura que je dégageait était remplie de tristesse et de désespoir. je regardais les petites filles déguisées en fées. savaient-elles qu'en grandissant elle haïraient les histoires que leurs mères leur racontait avant de s'endormir ? une fine pluie commençait à tomber, alors qu'il avait fait très beau et chaud jusqu'ici. la foule finit par partir. je m'arrêtais alors puis leva le regard vers le ciel. les nuages étaient gris et la pluie devenait plus dense, mais je restais là. fermant les yeux, savourant chaque gouttes qui perlaient le long de mon corps. mes ailes se mirent à remuer légèrement. les larmes coulaient autant que la pluie qui tombait sur mes joues.

étrange impression... comme si la pluie faisait glisser les mauvaises pensées vers le sol. en présence d'un élément naturel, je me sentais plus forte. comme quand je me retrouvais dans mon paradis secret que seul lanalia connaissait. persuadée d'être seule, j'étendais mes ailes de tout leurs long, sentant certains os craqués à force d'être repliés. l'eau, l'air, la terre, la faune, la flore. c'était mon élément. et rien que de voir cette pluie tomber me fit sourire. j'aurais pu rester des heures ainsi. mais je baissa le regard puis discerna une aura non loin, qui me fixait. je sursautais d'un coup. de peur qu'il s'agissait d'un humain, mais je sentais qu'il était lié à la pluie qui s'était mise à tomber d'un coup...

Ce n'est pas faux de dire que le temps guérit toutes les blessures, au niveau physique la guérison commence instantanément et c'est notre corps qui fait le travail. mais lorsqu'il s'agit des relations humaines certaines blessures se cicatrisent en une journée d'autres restent vives pendant toute notre vie. parfois nous devons nous guérir nous même et parfois notre vraie tâche c'est de guérir les autres. c'était sûrement la tâche qui me conviendrait le mieux. c'était inscrit dans mon nouveau code génétique. aider les autres pour oublier mes propres problèmes pour m'occuper de ceux des autres. je repensais à ma soeur jumelle que j'avais perdue à cause du sérum. je me souviens qu'elle m'avait dit d'être forte, je n'avais pas tout à fait compris au départ. mais en voyant l'homme arriver face à moi, je compris. peut-être était-ce ce sentiment de ne pas savoir que faire qui attirait ma curiosité... "Un jour tu voleras au dessus de ta peine va..." son regard dégageait énormément de charisme mais je mentirais si je disais qu'il ne dégageait pas cette sorte d'émotion... inconnue à mes yeux. être fort, c'est rayonner de bonheur quand on est malheureux. c'est essayer de pardonner à quelqu'un qui ne mérite pas le pardon. c'est donner sans retour. c'est rester calme en plein désespoir. c'est être joyeux quand on ne l'est pas. c'est sourire quand on a envie de pleurer. c'est faire rire quand on a le cœur en morceaux. c'est se taire quand l'idéal serait de crier à tous son angoisse. c'est consoler quand on a besoin d'être consolé soi-même..

- Attends !

c'était l'un des rares mutants que j'avais croisé jusqu'ici. je me mis à le suivre, comme je l'avais fait avec silver. mes ailes se mirent à battre, je volais à quelques centimètres du sol. il ne semblait pas vouloir s'arrêter, mais il avait à faire à un pot-de-colle. il avait parlé d'un air détaché. comme si la tristesse, la peine et tout ce qui allait avec, il connaissait.

- Ne me laisse pas toute seule !

je ne le connaissais pas, mais maintenant que mon aura n'emballait plus la sienne, je pouvais la voir. c'est comme si elle n'avait pas de couleurs. je voulais savoir pourquoi, j'étais curieuse, trop curieuse. je le savais, mais avec le sérum, nous étions dans la même galère au final. peut importe si il était gentil, ou au contraire, méchant. je ne voulais pas être seule. maintenant que je l'avais repéré, je n'allais sûrement pas le lâcher. je voulais en savoir plus sur lui, pourquoi son aura avait quelque chose d'unique que je ne connaissais pas ? la vérité était que j'avais peur. tout le temps... je me sentais seule. sans arrêts. la solitude me rongeait. je me fichais si je passais pour une grande désespérée, ou bien d'un pot de colle avec des ailes.

- Tu n'as pas d'aura, pourquoi ?

comme si il pouvait répondre à cette question...

Je continuais de le suivre, personne ne pouvait vivre sans auras. c'était l'essence même de la vie. la preuve que l'âme se dissociait du corps. la preuve que le corps n'était qu'une enveloppe. Cela m'intriguait, une curiosité dangereuse sûrement, mais étrangement, je n'avais pas peur. j'étais surtout curieuse. j'étais tellement déterminée à savoir, que j'étais prête à me transformer en une petite boule de lumière et le suivre tout le temps et partout. Quitte à me glisser dans sa capuche ou sa poche. << Je ne te connais pas, je me fiche que tu sois seule ou pas laisse moi ! >> La colère devait lui piquer le nez, d'un certain côté je le comprenais. se faire suivre ainsi par un inconnu pot-de-colle m'aurait vite énervée, mais là il s'agissait d'autre chose. tout en voletant à un mètre derrière lui, j'essayais de réfléchir. son enfance peut-être ? on arrive tous à un moment dans la vie ou on a l'impression de partir à la dérive, on a l'impression d'être au bord d'un lac et que l'eau monte petit à petit et on se retrouve vite noyé... épuisé d'être sans cesse à la recherche de quelque chose car oui il y a un moment dans la vie ou on perd tous ce petit brin de folie, de bonne humeur, les fous rires sur la balançoire, les soirées pyjamas. tout devient drôle et tout est triste, on oublie nos amis, on parle à nos ennemis. on oublie les odeurs du passé, on laisse nos repères et on part dans le grand froid de l'infini en laissant dernière nous les pages d'un passé qui nous manquera toute notre vie. mais s'il s'agissait d'un problème d'enfance, si il était déprimé, en colère ou quoi que ce soit, il y aurait les couleurs autour de lui. alors qu'il s'arrêta, je faillie le hurter, mais je recula un petit peu. ses yeux me transperçaient. un regard à la fois de braise à la fois glaçant. mais il ne me faisait pas peur. en réalité, je n'avais plus peur. << Je n'ai pas d'aura car je ne suis personne, je ne sais pas ce que tu sais faire comme truc, mais je t'assure que tu ne veux pas le savoir pour moi, si tu te moque de moi avec ton blabla tu iras pas assez loin avec tes ailes petite. >>

- Les seules personnes n'ayant pas de couleurs ne sont pas en vie ! J'ai vraiment une tête à me moquer des gens ?

me moquer était la dernière chose que je ferais, je crois bien même que je n'étais pas du tout faite pour me moquer des gens. son regard... je crois bien que je ne l'oublierait pas. ressentir autant de... il n'y avait même pas de mots pour désigner à quel point il vouait de la haine. je portais mes doigts contre mes lèvres tout en réfléchissant. même le simple petit être avait une couleur. les arbres, les fleurs. << Je veux comprendre tes couleurs ! Trouve des couleurs et montre moi les auras ! >> je relevais alors le regard. un grand sourire se dessinait sur mes lèvres.

- C'est vrai ? Tu veux voir ?

il m'en fallait vraiment peur pour m'émerveiller. je regardais alors autour de moi, cherchant du monde du regard. instinctivement, je posais mes deux mains sur ses épaules et le fit reculer de quelques pas. il y avait une vitrine dans laquelle nos reflets nous imitait, mais surtout, en face, il y avait des gens qui passaient ou qui attendaient le bus. toujours le sourire aux lèvres face au regard presque brutal du jeune homme, je fis un pas en avant, puis retombait sur mes pieds tandis que mes ailes devenaient immobiles.

- Tu auras juste à tourner la tête et à regarder.

Je saisis délicatement ses poignets puis plaçais ses mains contre ma tête, posant mes mains sur les siennes. je me concentrais alors puis réussi à faire le lien, je voyais à travers ses yeux. le monde terne que voyait le jeune homme se mit à devenir coloré. chaque êtres humains possédaient une couleur différente des autres. une vieille dame attendait le bus, son aura était d'un orange sombre, un chien tenu en laisse était entouré d'un halo bleu, une femme enceinte était debout contre un arbre. son aura était mauve et l'arbre à côté reflétait une faible lueur verte. on pouvait même voir l'aura rose de son bébé. Puis il y avait plusieurs petites lumières sur le sol, comme si la route était pailleté. c'était les insectes. Une couleur lilas faisait un cercle autour de moi à plusieurs mètres de diamètres. mon influence. puis il y avait moi, dont la blancheur était éblouissante. je le laissais quelques instants s'habituer et regarder, puis je désigna notre reflet du menton. il était le seul à ne dégager aucune couleur.